, Art-ont emporté l'adhésion du public et suscité la création de véritables courants artistiques, comme le Fauvisme ou le Cubisme, qui ont repris puis transfiguré l'innovation initiale. Cet exemple montre qu'innovation et marché s'inscrivent dans un processus de coévolution : l'incertitude induite par l'innovation transforme le marché, qui lui-même rétroagit sur l'objet innovant et le transforme. Dans ces conditions, la question 'y a-t-il un marché ?' (pour les start-up) ou 'y a-t-il un public ?' (pour une oeuvre d'art) n'a pas de réponse, et à la limite est vidée de son sens. Il devient moins rentable d'évaluer le potentiel du marché que de chercher à le conditionner (en fédérant un réseau d'adhérents au projet) pour faciliter l'acceptation de l'innovation. La justification par le marché {'Il y avait un besoin, Et pourtant, Andy Warhol connut plus qu'un simple 'quart d'heure de célébrité' ! Mieux, des innovations pourtant vouées aux gémonies par les critiques-les 'analystes' du marché de l
, Mais d'autres cas suggèrent que l'innovation ne naît pas nécessairement dans l'aisance, comme en témoigne la période bleue de Picasso, très originale, innovante, alors que l'artiste lui-même se trouvait sans le sou. Mieux, d'autres exemples suggèrent qu'abondance de biens peut nuire à une vraie remise en question : l'art commandé (le néo-classicisme de David, 'premier peintre de l'Empereur Napoléon', ou la musique d'A. Salieri, 'Maître de chapelle' à seulement 24 ans) ne brille pas toujours par son inventivité. Dans le domaine des Nouvelles Technologies, on l'a vu, la quantité d'argent injectée dans des start-up n'est pas un critère pertinent de réussite. Et les échecs les plus retentissants de la Nouvelle Economie, auxquels on veut parfois réduire cette période, tendent à montrer que les millions d'euros ou de dollars ne sont pas un gage de réussite. Ces éléments de réflexion nous suggèrent que, tout comme dans le domaine artistique, les éléments objectifs d'appréciation ne conditionnent la réussite d'un projet que de manière très partielle, voire marginale dans des secteurs très innovants. Le pari fou de Bill Gates, Quant à l'argent, il entretient avec le succès des innovations des relations pour le moins ambiguës. Bien sûr, l'Histoire nous démontre qu'un contexte économique florissant, la présence de mécènes favorisent et encouragent la création : l'exemple le plus évident étant la période Renaissance et l'incroyable fécondité de l'expression artistique italienne de l'époque
, La Réussite dépend moins de l'évaluation de critères objectifs que de la capacité à susciter l'adhésion au projet d'un réseau de promoteurs qui, dans leurs fonctions respectives (investisseurs, clients, media, voire même concurrent), vont concourir à la diffusion de l'innovation. Le mécénat, par exemple, est une pratique essentielle pour le développement et la reconnaissance de l'art. Sans remonter jusqu'aux Sforza et autres Medicis, on peut voir dans la relation entre A. Modigliani et Henri Doucet ou le Docteur Paul Alexandre (Jeune médecin amateur d'art, le premier à s'intéresser à l'oeuvre de Modigliani, à qui il achètera régulièrement des toiles dans les premières années de sa 'carrière'), Si les deux exemples précédents ont eu autant de succès, c'est peut-être, comme le suggèrent des sociologues de l'innovation51, parce qu'ils ont su intéresser les bonnes personnes, au bon moment
, Par analogie, il est clair que le soutien de partenaires influents, qu'il soit financier (un 'Business Angel'), commercial (un premier client) ou autre (un conseiller scientifique prestigieux) peut être essentiel à la survie, si ce n'est au succès, d'une jeune pousse, On pourrait pousser plus loin la comparaison. La relation entre Henri Doucet et Amedeo Modigliani permit à ce dernier de rencontrer d'autres artistes
, L'art de l'intéressement. L'art de choisir les bons porte-parole in Annales des Mines, 1991.
, se croisent, se jaugent, s'apprécient ou se jalousent. C'est donc bien au gré de ces 'confrontations' que se modèlent, se construit le travail, la personnalité même de l'artiste. Par analogie, les études qui dissèquent le fonctionnement de la Silicon Valley mettent en avant l'importance des investisseurs, en particulier les 'tribus' des Capital-Risqueurs et des 'Business Angels' pour non seulement injecter de l'argent, mais aussi et surtout faciliter la recherche de nouveaux collaborateurs, de partenaires scientifiques, de clients
, Dont l'une des missions, au moins sur le papier, est précisément de faciliter les rencontres, les échanges, les confrontations. Bien que nous ne nous soyons pas spécifiquement penchés sur la question (par ailleurs abondamment documentée dans la littérature52), il semble bien que cette mission ne soit pas, dans la majorité des cas, couronnée de succès. Ainsi, un incubateur important d'Ile de France reconnaît, dans un rapport interne, que ses tentatives « pour monter un club de financiers vis-à-vis desquels cet incubateur aurait joué le rôle d'apporteur de projets et d'experts, sont restées vaines ». Et du côté des 'incubés', c'est-à-dire des jeunes pousses, on loue plus la modicité des loyers et la fourniture d'infrastructures que l'accès à un hypothétique 'réseau de partenaires'. Au final, et bien que la comparaison soit proche de la caricature, où la génération des 'Pionniers' est trop faible en volume pour constituer un bataillon d'investisseurs suffisamment important
, Nos pérégrinations dans ce monde des 'artistes' de la Nouvelle Economie nous ont conduit à suggérer que le développement des réseaux, notamment celui des Business Angels, ces 'Medicis' des temps modernes, constitue certainement l'enjeu majeur d'une politique de l'Innovation efficace. Nous voudrions, en guise de conclusion, attirer l'attention sur un rapport récent du très sérieux Public Policy Institute of California53, qui analyse la dynamique et les facteurs de réussite des start-up de la Silicon Valley, en Californie (Etat qui, s'il était indépendant, Ce rapport fait, en particulier, deux propositions pour optimiser les politiques publiques sur le sujet
, Le rapport attire en particulier l'attention sur l'effet désastreux au plan économique que constitue toute suppression de crédit aux organismes publics de recherche.-attirer et préserver une main d'oeuvre qualifiée
, Et le rapport de Juin 2000 du sénateur Jean-François Poncet55 voyait déjà dans la fuite des cerveaux français « un phénomène croissant dont l'évaluation, quantitative et qualitative, souligne l'importance et dont l'accélération ne fait aucun doute, les crédits du CNRS ont diminué de 9, vol.3, 2003.
, Les incubateurs : émergence d'une nouvelle industrie, 2002.
, High-Tech Start-Ups and Industry Dynamics in Silicon Valley, 2003.
, Rapport d'information fait au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan sur l'expatriation des jeunes Français, par M. Jean François-Poncet, Sénateur, 2000.
, A quoi tient le succès des innovations, 1988.
, Les incubateurs : émergence d'une nouvelle industrie, 2002.
, Eloge de la folie, California Management Review, p.3, 1995.
, « Capital Risque mode d'emploi », Editions d'Organisation, 2001.
, Start-up après le déluge : qu'avaient-elles donc pour réussir ?, 2002.
, « Les start-up high-tech, création et développement des entreprises technologiques, 2000.
, Rapport du groupe de travail sur l'innovation, 2001.
, com : des fleurs par l'Internet », Compte-rendu du séminaire Vie des Affaires, 2003.
, Forum International de la gestion de la recherche, 2002.
, Stratégies relationnelles et stratégies d'alliance : les partenaires technologiques » Technologie et stratégie d'entreprise, 1987.
, Enquête sur la bulle internet », collection "Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, 2002.
, YANN GAILLARD, « Marché de l'Art : les chances de la France », Rapport d'information 330 (98-99)-commission des finances PIERRE-NOEL GIRAUD, « Le commerce des promesses, Petit traité sur la finance moderne, 2001.
, Rapport de mission sur la technologie et l'innovation », mars 1998 Corps des Mines, vol.42, p.43