Comment la loi a instauré l’entreprise comme un acteur politique. Analyse historique et théorique de la loi Pacte et de la loi sur le devoir de vigilance - Mines Paris Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Entreprises et Histoire Année : 2021

Comment la loi a instauré l’entreprise comme un acteur politique. Analyse historique et théorique de la loi Pacte et de la loi sur le devoir de vigilance

Armand Hatchuel
Kevin Levillain
Blanche Segrestin

Résumé

The literature extensively discusses the implications of the de facto political activities of contemporary corporations. Today’s context, however, raises new fundamental questions about such activities. Is our political framework still valid when we consider the worldwide and creative power of business enterprises? Should this framework not allow, or even oblige, enterprises to address the great challenges we face today? Which framework would ensure that the power of corporations can be ‘well managed’ or, in other words, directed towards the collective interest? This article shows that French law has introduced important legal innovations that offer original answers to these questions. It created the devoir de vigilance in 2017 that imposed a “duty of diligence” on firms. In 2019, with the Pacte law, France again imposed new obligations on all corporations and introduced the possibility for a firm to register as a “mission-led” corporation. We argue that these legal innovations established de jure the corporation as a political actor from both a theoretical and legal point of view. We also argue that these new laws build upon a new conceptualization of the enterprise. The enterprise is not only an economic and productive entity; it is also a power base for creative creation. Although these legal innovations are still too recent for their impact to be understood, we explain how they question the notion of the freedom of enterprise and classical political theory itself.
L’activité politique de facto de l’entreprise est largement reconnue dans la littérature. Mais cette activité soulève aujourd’hui de nouvelles questions : le cadre classique des rapports entre entreprise et politique n’est-il pas obsolète ? Est-il compatible avec la puissance mondiale et créatrice des entreprises ? Et surtout n’avons-nous pas besoin que cette puissance soit « bien gérée », c’est-à-dire à même de contribuer à résoudre les défis contemporains du politique ? Or le droit français – avec la loi sur le devoir de vigilance (2017) et la loi Pacte (2019) – a introduit des innovations juridiques qui instaurent l’entreprise comme un acteur politique de jure. Les deux lois inscrivent d’abord la gouvernance de l’entreprise dans un cadre de gestion responsable : d’une part, l’entreprise doit gérer son activité de manière vigilante, y compris au-delà des frontières des États où elle est légalement constituée ; d’autre part, les notions de raison d’être et de société à mission permettent à l’entreprise d’expliciter les missions d’intérêt collectif qu’elle s’engage à mettre en œuvre. Ce cadre juridique prend appui sur une nouvelle conception de l’entreprise : celle-ci n’est plus un simple acteur économique mais est une puissance d’agir tournée vers la création collective. Cette conception empêche de réduire l’entreprise à la seule sphère de la société civile privée et impose de rediscuter les fondements de la liberté d’entreprendre. Se dégage alors un nouvel ordre pluriel de responsabilités et une conception non-hégélienne du politique.
Fichier non déposé

Dates et versions

hal-03411409 , version 1 (02-11-2021)

Identifiants

Citer

Armand Hatchuel, Kevin Levillain, Blanche Segrestin. Comment la loi a instauré l’entreprise comme un acteur politique. Analyse historique et théorique de la loi Pacte et de la loi sur le devoir de vigilance. Entreprises et Histoire, 2021, 104 (3), pp.184-197. ⟨10.3917/eh.104.0184⟩. ⟨hal-03411409⟩
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