A la recherche de la fibre céramique idéale. - Mines Paris Accéder directement au contenu
Hdr Année : 2011

Toward the ideal ceramic fiber.

A la recherche de la fibre céramique idéale.

Marie-Hélène Berger

Résumé

Cette fibre céramique idéale que nous recherchons sera tissée pour former le squelette d'une matrice céramique. Le composite pseudo-ductile ainsi obtenu devra pouvoir résister à un chargement thermo-mécanique au-delà de 1400°C, sous atmosphère oxydante. Cette fibre devra donc être flexible, stable chimiquement, résistante à la traction et au fluage dans l'environnement visé, celui d'une turbine à gaz de combustion. Elle sera élaborée selon un procédé dérivé des techniques textiles qui induira des microstructures spécifiques donc des modes locaux de déformation et d'endommagement particuliers. La recherche de cette fibre aux propriétés macroscopiques requises ne peut se faire que par un lien étroit entre procédé, microstructure et comportement local. Après une brève présentation du cahier des charges et des procédés de fabrication, nous exposons les méthodes d'analyses microstructurale et thermomécanique, développées pour ces fibres céramiques. Le diamètre des fibres, environ 10 µm, impose des protocoles expérimentaux spécifiques pour la préparation de lames minces MET, comme pour les essais de traction et de fluage. Afin d'éviter les biais fréquemment rencontrés dans l'analyse des fibres, nous montrons la nécessité d'effectuer des essais sur fibre unitaire et non sur mèche et de définir soigneusement les paramètres expérimentaux à prendre en compte. Cette méthode nous a permis, par exemple, de mettre en évidence des fluctuations statistiques de la densité de défauts, liés aux procédés textiles. Nous pouvons également coupler l'évolution microstructurale et chimique observée (croissance de grain, de pores, de secondes phases, …), aux caractéristiques macroscopiques de la fibre (vitesse de déformation, temps à la rupture…) pour établir son comportement local (glissement ou allongement des grains, cavitation, réaction chimique internes ...). Nous traitons d'abord des fibres de carbure de silicium, premières fibres produites pour les applications envisagées. Le choix des précurseurs et des méthodes de réticulation impacte directement la stœchiométrie des fibres, leur microstructure et leur stabilité thermomécanique. Ainsi le comportement des premières générations de fibres “SiC” est dominé par celui d'une phase oxycarbure de silicium métastable. Le modèle microstructural proposé dans la littérature est ici affiné. Les annonces de stabilisation de la phase oxycarbure par des atomes de titane sont démenties: le domaine de stabilité de la phase C-Si-O-Ti est restreint et la croissance des grains de TiC est plus rapide que celle de SiC. La deuxième génération voit son taux d'oxygène fortement réduit. La fibre est cependant encore mal cristallisée, une fraction importante du SiC peut être ordonnée par des post-traitements thermiques qui augmentent la résistance au fluage. Le carbone en excès, sous forme d'empilement de plans graphène, vient entourer les grains de SiC. Des relations d'épitaxie systématiques, couplées à une transformation progressive des plans (002)C en {111}SiC sont mises en évidence. Elles tendent à montrer que le carbone ne bloque pas la croissance du SiC mais qu'il y participe. Cependant, ces rubans carbonés facilitent le glissement des grains de SiC par des liaisons interfeuillets faibles. Trois solutions ont été adoptées par les industriels, dans les fibres de dernière génération, pour diminuer le carbone libre et ainsi s'approcher d'une fibre stœchiométrique. Nous retiendrons celle qui n'utilise pas d'aides de frittage (aluminium ou bore sont préjudiciables à la stabilité chimique et à la tenue en fluage). Toutefois, ce procédé repose sur une réticulation du précurseur par irradiation électronique qui augmente considérablement les coûts de production. La voie alternative “académique”, permettant d'éliminer les aides de frittage une fois la densification effectuée, nous semble prometteuse. L'évolution des procédés a donc permis de s'approcher de la stœchiométrie et de la résistance au fluage d'un SiC massif. Mais l'oxydation de la fibre en tête de fissure matricielle reste fortement pénalisante pour les applications thermostructurales visées. Cette limitation a suscité l'émergence de programmes de recherche dédiés au développement de CMC tout oxyde. Leurs renforts fibreux font l'objet de la quatrième partie de ce mémoire. Trois systèmes oxydes ont d'abord été sélectionnés, la mullite, le grenat d'aluminium et d'yttrium (YAG) et l'alumine alpha. Ces trois composés possèdent des liaisons fortes entre anion oxygène et cations métalliques, et une structure cristallographique complexe. Les fibres monocristallines correspondantes, obtenues par solidification dirigée, montrent des résistances au fluage parmi les plus élevées pour des oxydes. Dans la mullite, cette stabilité thermomécanique est renforcée par une mise en ordre des lacunes d'oxygène. Cet ordre est étudié dans une fibre de mullite 2:1. Les modèles de Moritomo (ordre bidimensionnel dans les plans (010) où les domaines ordonnés sont séparés par des parois d'anti-phase) et Rahman (ordre tridimensionnel à courte distance avec des vecteurs de corrélation lacune-lacune classés par leur fréquence) permettent de décrire l'arrangement des lacunes. L'absence de flexibilité des fibres monocristallines, liée à de forts diamètres, implique d'abandonner la solidification dirigée et de filer des sols ou polymères précurseurs. Le mémoire présente quelques précurseurs utilisés pour les trois composés sélectionnés en insistant sur les difficultés multiples pendant leur filage (fragilité, viscosité, hygroscopie …) et leur céramisation (porosité, transformation de phase, croissance de grains, phase parasites…). Les fibres sont polycristallines et leur taille de grain “d” doit à la fois conférer une résistance mécanique élevée (variant comme 1/√d) et des vitesses de fluage faibles (variant comme 1/d2). Les microstructures requises sont antagonistes et les fibres résistantes à froid montrent un caractère superplastique en température par glissement aux joints de grains. L'ajout d'une seconde phase précipitant aux joints permet à la fois de diminuer les tailles de grains et d'abaisser les vitesses de fluage. Cependant les regroupements de cette seconde phase par diffusion lors d'un fluage à chaud limitent l'effet bénéfique de l'épinglage aux températures intermédiaires. Pour dépasser l'opposition entre résistance en traction et résistance au fluage à chaud, nous proposons des microstructures texturées biphasées, faites de grains allongés selon l'axe de la fibre. Leur largeur sera inférieure à la taille des défauts critiques et l'élancement des grains selon l'axe allongera les chemins de diffusion. Les méthodes d'élaboration sont suggérées. Le YAG ne se prête pas à la texturation de par sa structure cubique. L'alumine et la mullite peuvent être texturées mais leur couplage est fortement déconseillé dans les atmosphères considérées: en présence d'acalins ou d'alcalineux-terreux, la mullite est dissociée puis reprécipite en alumine à partir des germes existants et la silice est rejetée vers la surface de la fibre. Des vitesses de croissance de l'alumine de l'ordre du micromètre par seconde ont été relevées sous charge. Le système mullite zircone semble posséder le plus fort potentiel si la viscosité des films intergranulaires peut être maîtrisée. Face à la complexité d'élaboration d'un CMC (et nous n'avons traité que des fibres, les problématiques liées à l'interphase et la matrice n'ont pas été abordées), une ouverture sur les composites oxydes élaborés in-situ est proposée en fin de ce mémoire. La voie de la coextrusion a permis de développer des microstructures biphasées fortement orientées, mais les déflections de fissures aux interfaces sont encore trop faibles et les défauts engendrés par le process trop nombreux. La solidification dirigée à partir de liquide de la composition de l'eutectique YAG-Al2O3 fourni des microstructures biphasées où les plasticités inter- et intra- granulaire sont inhibées par des hétéro-interfaces cohésives et des largeurs de phases sub-microniques et sans joints de grains. Mais les interfaces fortes ne permettent pas de déflection de fissures et les ténacités sont trop faibles. L'augmentation de la ténacité a été obtenue par le couplage de deux matériaux présentant de fortes différences de coefficients de dilatation thermique, Al2O3 et Al2TiO5. Les phases solidifiées et les transformations eutectoïdes observées nous ont conduits à repenser les diagrammes de phases publiés.
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Citer

Marie-Hélène Berger. A la recherche de la fibre céramique idéale. : Évolution microstructurale et comportement local: l'indispensable lien entre procédé de fabrication et propriétés macroscopiques. Matériaux. Université Pierre & Marie Curie - Paris 6, 2011. ⟨tel-01469319⟩
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